Catégories
L'usine

L’usine (4)

Derrière une grande usine dans laquelle œuvrent des milliers d’ouvriers de jour comme de nuit, le dernier terrain vague disponible dans le parc industriel est en train d’être aménagé. Il accueillera une chaussée, un dépôt, un village d’exposition et un centre commercial.

Terrain vague

Le quartier très industriel de Chaomchao est situé dans le sud-ouest de Phnom Penh. C’est lui qui, dès 1997, accueillit les premières usines d’habillement du Cambodge. A l’heure actuelle y travaillent certainement des centaines de milliers d’ouvriers, ce qui est considérable à l’échelle du pays. Et sa population augmente sans cesse à mesure que de nouvelles usines ouvrent leurs portes. Les rizières reculent, les buffles s’approchent de moins en moins près. Seules quelques vaches bossues se réjouissent de l’avancée de la ville puisqu’elles y dénichent des ordures à l’odeur alléchante.

Extrait du livre
Catégories
La cité

La cité (7)

La cité aux toits bleus est encastrée dans un parc industriel. La plupart de ceux qui y vivent travaille dans les usines placées autour.

Parc industriel
Parc industriel

Vivre dans une cité ouvrière d’Asie du sud-est c’est entendre les pas des ouvrières sur la dalle de béton devant chez soi à heures fixes. L’arrière de leurs tongs s’use très vite car elles marchent sans les faire claquer sur le talon. Habiter ici c’est vivre au rythme des usines d’habillement même sans jamais y mettre les pieds. Cet inconvénient, qui fait une grande différence, induit la nécessité de se laisser adopter.

Extrait du livre
Catégories
Des jeunes en mouvement

Des jeunes en mouvement (4)

Première rencontre de la Jeunesse Ouvrière Chrétienne dans la cité. Ce mouvement était constitué au départ de quelques jeunes travailleuses catholiques soucieuses de donner sens à leur vie, à leur labeur.

Rencontre JOC

En revenant à Phnom Penh en 2009 après 4 ans d’absence, il était tentant de croire qu’après avoir pris une année pour voir, observer, écouter, nous allions pouvoir faire démarrer ou redémarrer des équipes de relecture de vie de jeunes travailleurs avec quelques intéressés comme à l’époque de ma coopération dès fin 2003. Cette démarche vécue lors de rencontres régulières permet de mieux saisir l’importance, la valeur de sa vie, de la vivre plus intensément, en en savourant chaque instant, en y étant toujours plus présent. Ainsi ceux qui jouent le jeu prennent plus de responsabilités dans leur vie, en deviennent acteurs.

Extrait du livre
Catégories
Des jeunes en mouvement

Des jeunes en mouvement (3)

Il fut un temps où les travailleurs pouvaient défiler… Aujourd’hui beaucoup n’ont plus d’emploi à cause de la pandémie de coronavirus.

Fête des travailleurs
Fête des travailleurs
Fête des travailleurs

C’est pourquoi dans un monde globalisé on ne peut faire l’économie de règles communes qui garantissent un minimum de justice pour les faibles. Une confédération syndicale internationale existe. Les syndicats libres des pays de l’association des nations du Sud-Est asiatique pourraient se regrouper à l’image des nations de la sous-région pour revendiquer un salaire minimum commun indexé au coût de la vie dans chaque Etat membre. Mais leur peu de moyens fait presque rire quand on voit ces députés d’opposition attendre qu’on leur donne la parole un dimanche de fête des travailleurs en cuisant sous un soleil brûlant, comme tout le monde cela dit. Personne n’a pu leur donner ne serait-ce qu’une ombrelle avant qu’ils ne montassent dans la benne d’un vieux camion de chantier transformé en estrade pour l’occasion.

Extrait du livre
Catégories
Des jeunes en mouvement

Des jeunes en mouvement (2)

De jeunes travailleurs s’organisent et lancent le mouvement de la Jeunesse Ouvrière Chrétienne.

Ils prennent leur vie en main
Ils prennent leur vie en main

Avec la mission ouvrière, la Jeunesse Ouvrière Chrétienne, mais aussi individuellement, nous ne proposons aux ouvriers pas moins que le salut. C’est à dire la libération de toute entrave : mort, péché, peur, isolement, enfermement, soumission, etc. Ce salut divin nous l’accueillerons peut-être pleinement quand le Christ reviendra. Mais sans plus attendre nous pouvons dès à présent y goûter : prendre conscience de l’incommensurabilité de sa valeur propre en tant que personne ; croire en soi, en sa dignité, en ses capacités, en son avenir ; acquérir une conscience éclairée, une liberté individuelle ; devenir responsable de soi et des autres ; se soucier du bien commun ; vivre ses convictions, les exprimer ; s’épanouir ; ne plus être soumis aux pressions sociales ; ne plus redouter le jugement des autres ; sortir de toute crainte, y compris de celle de la mort…

Extrait du livre
Catégories
L'usine

L’usine (3)

Des ouvrières veillent sur le stock de leur usine de peur qu’il ne disparaisse alors que leur dernier salaire n’a pas été versé.

Elles veillent sur le stock
Elles veillent sur le stock

Vers deux heures du matin le sommeil ne faisait plus effet. Ma bicyclette m’emmena avec des bouteilles d’eau et des biscuits jusque devant l’usine au toit rouge nommée ainsi en raison de sa particularité. Dans les alentours du parc industriel Vattanac, du nom d’une banque locale, tous les toits sont bleus, sauf un. Et puis les ouvriers ne connaissent pas toujours le nom de leur usine, soit parce qu’il n’est indiqué nulle part, soit parce qu’il est écrit en Chinois ou en caractères latins. Il faut bien trouver quelque chose pour désigner le lieu où l’on travaille… L’atmosphère s’était nettement refroidie malgré les feux allumés à gauche à droite. Le réconfort apporté aux veilleurs fut apprécié. Ils étaient harcelés par de fort nombreux moustiques. Certains étaient enroulés dans des couvertures et essayaient péniblement de dormir un peu sur les étals vides des commerçants qui fournissent, au bord de la chaussée, devant les usines, à ceux qui en sortent, ce dont ils ont besoin. Devant le portail arrière de l’usine ils étaient encore plus nombreux. Certains trouvaient la force de jouer à des jeux de plein-air, qui habituellement se jouent exclusivement durant la période du nouvel an soit mi-avril, bien que cette coutume ancestrale ait tendance à disparaître sans que personne ne puisse dire pourquoi.

Extrait du livre
Catégories
Les voisins

Les voisins (9)

Il existait un parc. C’était l’unique lieu de détente en plein-air pour les ouvriers du quartier. Il était situé derrière les usines du parc industriel Canadia. Le dimanche en particulier c’était l’occasion de partager du temps différemment entre voisins. Pour une somme modique on pouvait changer d’air. Les loisirs sont si rares.

Sortie
Sortie

Quelque soit la latitude, dans les milieux populaires, on se contente souvent de choses peu sophistiquées. Un dimanche Sophéap et ses voisines m’annoncèrent avec fierté que ce jour-là le grand frère d’une d’entre elles les emmenait se promener. Quand nous nous sommes revus le lendemain elles étaient euphoriques : « Yann ! hier mon grand frère nous a emmenées au marché de Tuol Tompoung et au marché de Dæm Ko ​(kapokier). Ça restera une journée inoubliable ! » Elles n’avaient rien acheté. Elles étaient simplement folles de joie d’avoir vu la ville et donc d’avoir pu sortir de notre parc industriel. Ça montre bien qu’à l’intérieur beaucoup vivent comme dans une prison. D’ailleurs nous sommes surveillés par la police. Une fois mon oreille discrète entendit : « Il a de la chance d’avoir une moto. Il peut aller où il veut… »

Extrait du livre

Catégories
L'usine

L’usine (2)

Derrière les usines, un terrain vague accueille de temps à autres des forains. Le samedi soir et le dimanche les ouvriers en profitent. En plein-air, c’est notamment la discothèque des ouvriers. Inscription sur les maillots : Peu importe le reste, l’important est que je sois belle.

l’important est que je sois belle
Fête foraine
Fête foraine

La plus grande partie des habitants de la cité vit à peu de choses près comme dans une prison : seulement des devoirs, travail à l’usine juste derrière la muraille qui encercle nos habitats, sorties très rares faute de moyen de locomotion et d’argent si ce n’est sur le terrain vague d’en face le dimanche soir. Elle visite tout de même sa famille restée au village deux ou trois fois par an. Et elle garde toujours le sourire…

Extrait du livre
Catégories
Les voisins

Les voisins (8)

Pour être plus sûr de ne pas les perdre, on écrit les numéros de téléphone sur les murs. Et pour éviter que la lumière du Soleil pénètre à l’intérieur, on obstrue les fenêtres.

Intérieur d’un studio d’ouvrier.

Un jour, il me fallut visiter une dame de la cité. Trouver son studio fut quelque peu fastidieux et elle était absente. Alors l’idée naïve me vint de sortir mon mobile multifonctions pour prendre en photo le numéro de son studio. Malchance ! c’était juste devant chez le responsable de la sécurité. Il m’interpella :
« Que photographies-tu ?
—  Le numéro du studio, de façon à ne pas l’oublier.
— Il est interdit de prendre des photos et tu n’as pas demandé d’autorisation ! »

Extrait du livre

Catégories
Les voisins

Les voisins (7)

J’ai interrogé cette fille. Abandonnée par son père, elle aide sa mère en vendant des pâtisseries aux habitants de la cité après les classes.

A sa sortie de l’école elle va aider sa mère

La fille aînée de Nhan m’adopta immédiatement. Rien d’étonnant : son père était parti travailler en Thaïlande depuis presque trois mois. Il s’agit d’une réalité que de nombreuses familles dans le besoin connaissent. Lors de l’arrêt sa fille cadette qui savait à peine parler hérita d’un paquet de biscuits apéritifs. Bunnhan lui dit de partager avec un garçonnet assis en face d’elle. Et c’est ainsi que tous petits les enfants des pauvres apprennent à partager. Ceci induit un sens de la propriété différent du sens occidental de la propriété. Pour les Khmers la notion de propriété a un sens plus collectif, moins possessif et individuel.

Extrait du livre

L’entretien en langue khmère

Catégories
L'usine

L’usine (1)

Le 28 juillet 2014 une usine a pris feu. Cela arrive malheureusement souvent. Les véhicules des sapeurs pompiers furent bloqués à 50 m. de l’usine en flamme par une structure en béton et en métal sensée ralentir la cirulation. L’usine a donc entièrement brûlé. Un employé est décédé. Les ouvriers ont logiquement été licenciés mais tout ce qui leur était dû ne leur a pas été versé.

Usine en feu
Usine en feu
Usine en feu

Une histoire présente un mendiant qui vient d’être battu par des voleurs, qui a perdu son travail parce que son patron a disparu dans un accident de la circulation, dont la maison est partie en fumée suite à un incendie et dont le père est gravement malade. Il aurait été marrant de rajouter le dialogue suivant :
« Heureusement, il me reste mon épouse bien aimée.
— Arrête, ça fait des années qu’elle te trompe avec ton meilleur ami et tu es le seul à ne te rendre compte de rien, abruti ! »
Mais « Ça ne va pas ? Ne rajoute pas cela c’est mal ! » De la même façon un sketch où un personnage se ferait rouler dans la farine par ses propres parents est inconcevable.

Extrait du livre
Catégories
Les voisins

Les voisins (6)

Etant donné ce que sont les conditions de travail, les salaires et la situation politique, de nombreux ouvriers cherchent à travailler à l’étranger comme cette demoiselle en partance pour la Corée du sud. Son frère est venu dans la cité pour lui dire au revoir. Depuis une dizaine d’années la république de Corée recrute en continu des travailleurs cambodgiens.

« Je voudrais qu’un jour le Cambodge connaisse la même prospérité que la [république de] Corée ! » disait une jeune Cambodgienne ayant appris la tragédie de la guerre de Corée puis le redressement du sud. Avant la tourmente, le Cambodge allait vers une meilleure répartition des richesses, vers un modèle de développement économique qui profitait à une frange plus large de la population et entraînait le développement de l’éducation, de la culture, du sport, etc. Aujourd’hui pour rattraper la Corée (où il y a aussi des laissés-pour-compte) il faudrait un changement de mentalité car la prospérité économique est une chose mais la répartition de ses fruits, la justice sociale en est une autre.

Extrait du livre