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La cité

Un incendie et une inondation la même nuit

Samedi 18 septembre 2021 à 23h55, j’ai été réveillé par du bruit dehors. Un petit nombre de personnes criait. Le vacarme était de plus en plus audible. Ça ne ressemblait pas à l’explosion d’une querelle familiale ou de voisinage comme cela arrive des temps à autre. De plus en plus de monde parlait très fort. Mes voisins proches allumèrent les éclairages de leurs studios. Ils faisaient des commentaires à haute voix. Quelques motos passaient devant chez nous à toute allure. Et puis il y avait des bruits que j’avais du mal à identifier. C’était comme des pétarades qui étaient incompatibles avec des coups sur les portes, les volets ou les stores en tôle. J’ai réfléchi pour visualiser ce qui pouvait provoquer ce type de tintamarre jusque là inconnu. Je me suis dit qu’il pouvait s’agir d’un incendie. J’ai un très mauvais odorat alors, pour vérifier, je me suis forcé à humer l’air ambiant. Ça sentait clairement le brûlé !

Alors je suis sorti de ma couche pour aller aux toilettes, me disant qu’il fallait que je prenne le temps de m’habiller et de réunir quelques affaires. Dans un sac et dans mes poches, j’ai déposé mon argent, mes clés, mes papiers, mes documents, mon mobile multifonctions, mon ordinateur, mon disque dur, mon appareil photo et mes écouteurs neufs. Un employé du propriétaire a frappé à ma porte pour m’inviter à évacuer. L’odeur de brûlé s’amplifiait, l’agitation générale aussi. J’ai encore pris un peu de temps car j’avais encore de la place et j’avais peur d’oublier quelque chose d’important. J’ai aussi brièvement prié l’Esprit Saint d’aider chacun à adopter le comportement adéquat. J’ai finalement ouvert la porte pour sortir ma moto. Des flammes s’extirpaient du marché à 20 mètres de là. Une voisine, Ya, contemplait, debout, le désastre. Certains trouvaient encore le moyen de sortir des marchandises du marché dont s’échappaient des fumées noire et blanche opaques par une entrée à 25 mètres de chez moi. Je lui ai suggéré de monter sur ma moto mais elle déclina.

Commerce dévasté

J’ai donc quitté mon studio me disant qu’il allait peut-être partir en fumée. Je me disais que, si possible, je reviendrais très vite récupérer mon vélo électrique et ma bicyclette de 60 ans qui a survécu à la guerre. Je me suis garé à 100 mètres au sud. Une centaine de personnes plus ou moins habillées observait l’arrivée des premiers sapeurs pompiers. Je ne pouvais laisser mon sac sans surveillance pour aller sauver mes autres deux-roues. Puis j’ai repéré la voisine qui vit avec Ya avec un sac à dos plein. Sur le coup, elle avait cru à un conflit dû à l’alcool mais Ya, qui a le sommeil léger, était sortie la première pour constater que les cris étaient des « Au feu ! » et que les pétarades étaient des explosions de recharges de gaz. Je lui ai confié mon sac et ma moto pour me rapprocher de la fournaise. Je voulais donner un coup de main.

Je suis donc retourné chez moi pour humecter mon écharpe et l’enrouler autour de ma tête. Il y avait de la fumée mais déjà le feu dans le marché ne progressait plus. La fumée était tellement dense autour du sinistre que plus personne ne s’approchait de la fournaise. Une cinquantaine de personnes regardaient les pompiers à l’œuvre. Je ne sais pas comment ils faisaient pour respirer. Moi je portais un masque de chirurgien et une écharpe humide et pourtant les émanations commençaient à me piquer les yeux alors je suis retourné à ma moto. Dans la foule éparse, on prenait des nouvelles des uns et des autres. On ne voyait plus de flammes. La production de fumée était de moins en moins intense alors je suis retourné chez moi par étapes successives en m’arrêtant pour discuter avec chaque groupe de personnes sur le chemin. Étonnamment, très peu avaient paniqué.

J’ai déposé mes affaires dans mon studio puis suis resté à l’entrée du marché avant de pouvoir y pénétrer pour constater les dégâts et recueillir des informations sur ce qui s’était passé. Je comptais faire un reportage. Les pompiers continuaient à arroser. J’en ai profité pour demander des nouvelles des commerçantes avec lesquelles j’avais le plus sympathisé. L’une d’entre elles m’expliqua qu’un homme qui rentrait d’une beuverie constata l’incendie avant tout le monde. Il réveilla tout le marché et les secours furent rapidement prévenus. Mais le feu prenait de l’ampleur, d’autant plus que certains commerçants ne vivent pas sur place et qu’aucune intervention n’était envisageable dans les commerces verrouillés. Les autres essayaient tant bien que mal d’évacuer quelques marchandises dans l’allée encombrée. L’accès au parc industriel et au marché est limité la nuit par des portails dont seuls des veilleurs ont les clés. Je me suis toujours dit qu’en cas d’incendie ce serait une catastrophe. Heureusement, les portes furent rapidement ouvertes. Certains quittèrent leur studio dans la précipitation, sans rien prendre avec eux. តាអំបិល (grand-père sel), qui vit ailleurs, m’expliqua qu’avec la police, ils avaient logiquement conclu au court-circuit d’un réfrigérateur vitré placé devant son commerce qui fait l’angle.

Aucune victime du feu ou de la fumée n’est à déplorer. 4 commerces contigus ont brûlé, 2 autres situés en face aussi. Il faut dire que les murs ne vont pas jusqu’au toit. Une cinquantaine de commerces ont été considérablement abîmés par la suie et les cendres. Parmi eux, une dizaine a été dégradé, avec ce qui s’y trouvait, à cause de l’intensité de la chaleur et de l’abondance de l’eau employée. Aucun studio ouvrier ne fut touché.

A cause de l’épidémie, 4 portes du marché sur 6 sont régulièrement fermées par le propriétaire. Les commerçants s’en plaignent. Certains sont même partis car leurs revenus diminuaient. C’est le cas du couple qui tenait l’échoppe de l’entrée la plus proche de chez moi, les chanceux ! Un jeune couple a repris leur fond de commerce. Dans la fournaise, ils sont partis sans rien prendre, si ce n’est leur fille. Ils ont presque tout perdu. Y compris 10.000 dollars en espèce car ils étaient aussi changeurs.

Inondation

Les autres commerçants les plus touchés étaient résignés mais ni en colère ni désespérés. Les moins touchés devaient déménager entièrement ou partiellement pour nettoyer. Une bonne connaissance me confia 3 motos car chez moi il n’y a habituellement que 3 deux-roues, il y a donc de la place. Le matin, le propriétaire a promis qu’il ferait faire les travaux de réhabilitation dans les 2 semaines mais cela est difficile à croire. Depuis 2 ans, court une rumeur selon laquelle marché et studios d’habitation seront détruits en 2022. Enfin, les techniciens d’EDC œuvrèrent toute la journée pour rétablir le courant.

Le comble de l’histoire est qu’à 3h du matin, alors que tout était terminé, il se mit à pleuvoir ! En très fort même, puisque nous fûmes inondés jusqu’au milieu de la matinée !
Bref, ma journée fut totalement bousculée. Je ne suis pas sorti courir comme à mon habitude. Je n’ai même pas fait exercices d’étirement et de musculation. Exceptionnellement, je ne suis pas allé à la messe non plus. Je m’ai même pas regardé la retransmission du vicariat en direct sur facebook. Mais mon eucharistie fut de prendre le temps de faire le tour des voisins et connaissances pour prendre de leurs nouvelles.

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Les ouvriers

Collectif Blackbone

Je vous recommande la lecture de ce roman auquel j’ai modestement contribué en tant que consultant. L’intrigue prend place dans le milieu des ouvrières de l’habillement de la périphérie de Phnom Penh.
URIEN, Emmanuelle. Collectif Blackbone– Tome 2 – Fashion Victim. Éditions Nathan. Paris : 2020, 320 pages

Couverture

Marie vient d’intégrer une école de journalisme.
Elle décide d’enquêter sur les coulisses de la mode et sur les conditions de travail des ouvrières dans les usines textiles. Au cours de ses recherches, elle tombe sur un compte Instagram qui prend pour cible Yamaki, un célèbre mannequin. La top modèle vient de se suicider. Et Marie la connaît :
Il s’agit de la fille adoptive de Luca Snyder, le puissant homme d’affaires, dont elle a révélé les crimes au grand public avec l’aide de Léo et Andréa. Luca Snyder est persuadé qu’ils sont responsables de la mort de sa fille. Il est prêt à tout pour se venger…

Le deuxième volet des aventures du Collectif Blackbone qui porte sur les « coulisses de la mode » Une réflexion sur les nouveaux médias, le rôle des journalistes, et les conditions d’exploitation des ouvriers dans les usines textiles.

Résumé du livre

Remerciements

Les auteures confinées tiennent à remercier, sans ordre particulier, mais de tout cour : Yann Defond, coordinateur international des jeunesses ouvrières chrétiennes à Phnom Penh, qui a répondu avec patience et précision à nos nombreuses questions, y compris en khmer ; Emmanuel Scheffer, journaliste, pour avoir fait le lien entre Toulouse et le Cambodge ; Mathias Destal et Geoffrey Livolsi de Disclose pour leur accueil et leur enthousiasme; Salomée Dubart, étudiante en journalisme ; Manon Haussy du blog Happy New Green ; Frédéric Scheiber, photographe, les lanceurs d’alerte et les veilleurs discrets du monde entier qui collectent et diffusent des informations fiables et nous permettent de garder les yeux ouverts; tous les créateurs qui tentent de réinventer une mode durable et équitable préservant la nature, mais aussi la santé et la dignité de ceux qui fabriquent nos vêtements.

Bien entendu un grand merci également aux membres de l’équipe Nathan, en particulier à nos pétillantes éditrices Mélanie et Alice, ainsi qu’à Christian et Joséphine. Merci à Nancy qui fait vivre nos romans chez les libraires et au-delà.

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