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Les ouvriers

Un centre commercial dans le parc industriel

Comme il vient tout juste d’ouvrir, je suis allé au centre commercial dont le chantier a entièrement barré notre rue durant un an et demi. Il n’est pas pourvu d’un accès pour piéton. On peut toujours marcher sur la chaussée mais seul un accès véhicule est prévu. Une supérette d’alimentation était ouverte. Je suis allé acheter un café dans l’autre établissement ouvert mais au moment de payer le garçon me fit : « C’est gratuit pour vous, Yan, officiellement, nous n’ouvrons que demain ! » Aucun autre commerce n’était ouvert. La boutique Décathlon était encore en travaux.
Ce centre commercial n’est situé qu’à 200 mètres de notre cité ouvrière mais c’est un monde qui les sépare. Le monde de l’opulence et le monde de ceux qui travaillent à l’usine… En partant j’ai proposé à des voisins de m’y accompagner mais ils ont décliné. Ils ne se trouvent pas dignes de fréquenter ce genre de lieu. De nombreux ouvriers s’y trouvent pourtant puisqu’ils finissent de le construire. Mais les marchandises qu’on n’y vendra seront trop chères pour eux.

Le terrain avant la construction

La culture khmère provient en grande partie d’Inde. Au Cambodge la société ne s’est jamais divisée en castes pourtant il en subsiste quelque chose dans le vocabulaire avec ses répertoires pour s’adresser aux personnes de son rang, aux membres d’une famille royale et aux bonzes. Mais c’est dans la mentalité collective que le système de castes survit. Cela se traduit par des rapports sociaux marqués par la soumission. Celui qui est au-dessus soumet celui qui est au-dessous et celui qui est au-dessous accepte d’être soumis à celui qui est au-dessus. La règle générale est donc d’être un enfant soumis à ses parents, une épouse soumise à son époux, un employé soumis à son employeur, un citoyen soumis au pouvoir politique. Ce phénomène ancestral se manifeste de façons variées où ceux qui ont le pouvoir l’exercent de manière autoritaire et où les autres expriment de la déférence. Quand vous aménagez dans une cité ouvrière et que vous informez le propriétaire que vous repeindrez l’intérieur du studio à vos frais il devrait s’en réjouir mais non… C’est tout juste s’il autorisera les travaux d’un air bougon en vous faisant bien comprendre qu’il s’agit là d’une tolérance de sa part. Pourquoi une telle réticence ? Parce qu’en rafraîchissant la peinture vous vous différenciez des autres, vous revendiquez un droit comme si vous habitiez chez vous alors que vous vivez en fin de compte chez votre propriétaire. A l’inverse tant que la règle usuelle est respectée, que chacun reste à la place qui lui est conférée, tout se passe pour le mieux… Que ce soit donc dans le rapport à l’environnement ou à l’entourage la peur distille son venin qui empêche aussi de se démarquer du groupe, de la tradition, de l’habitude collective admise.

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Le livre (13)

Mon texte s’adresse à des francophones plutôt occidentaux et pourvus de notions de christianisme. Bien entendu le lectorat ouvrier engagé, en particulier celui de la mission ouvrière, ou le lectorat engagé auprès des milieux populaires se sentira particulièrement concerné par cet écrit.

Fête des travailleurs

Si l’on est en droit de se demander quel avenir commun est envisageable dans les pays marqués par l’individualisme, on peut aussi se demander quel avenir commun s’entrouvre pour un peuple où trop peu sont ceux qui pensent au bien commun. En effet cette tendance se traduit par un manque d’investissement personnel dans la vie sociale : peu d’associations, d’engagement, de débat ; énormément de corruption, d’accidents de la circulation routière, etc. ; d’où l’importance de regrouper pour des actions plus collectives. A cette fin, le minuscule mouvement de jeunes travailleurs que nous suivons comme d’autres structures collectives peuvent aider mais il s’agit seulement de moyens. L’important est le témoignage de vies pleines de solidarité marquées par un souci accru du bien commun et des plus faibles.

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