Yann DEFOND est un immigré français vivant à Phnom Penh depuis 20 ans. […] Il a choisi de partager la vie de la population ouvrière de l’habillement au Cambodge. De formation artistique, il exerce des activités de comédien, journaliste et interprète.
Dans cet article, F. PONCHAUD, qui a signé la préface de mon livre, le recommande à ses soutiens.
Yann Defond, vient d’écrire un livre pas tellement long sur les ouvriers et ouvrières du Cambodge, qui pour un certain nombre gagnent moins que le minimum vital… Il sort en France. J’en ai fait la préface il y a plusieurs années…
Recension sur mon livre dans Famille chrétienne du 1 au 7 octobre 2022 pages 38 et 39.
Famille chrétienne 1-7/10/2022 pp 38-39
Dans un studio inondé pendant la mousson, et envahi de poussière à la saison sèche, vit et travaille un chrétien venu de France, au beau milieu d’une cité ouvrière de Phnom Penh, la capitale cambodgienne. Le journaliste missionnaire raconte son choix et son quotidien partagé avec les plus pauvres, à leur service, comme manière crédible de leur annoncer le Christ. Les anecdotes qui émaillent le récit donnent à voir avec compassion la réalité d’une culture méconnue, et d’une société ankylosée par la peur. Elles nourrissent une réflexion profonde sur la justice sociale, la vocation de chaque baptisé et le chemin de Salut et de liberté proposé par le Christ à tous les hommes. Un récit de mission atypique, radical, évangélique.
Christian (Sochoeunn) MEY a eu la délicatesse de m’envoyer la bande dessinée tirée de son livre L’abnégation de ma Cambodgienne. Ce récit biographique retrace le parcours de Christian à travers la vie et le soutien indéfectible de sa mère. Nous sommes tous deux nés en 1979, année qui signa la fin du régime khmer rouge.
Couverture de la bande dessinée
Christian a été champion de champion de France Nationale 3 de rugby. Une année, j’ai remporté l’épreuve de marathon des championnats du Cambodge d’athlétisme. Le sport nous uni. Je retrouve en particulier mon expérience dans la dernière case de la page 15 :
Les entraînements se suivent et s’enchaînent […] Mais pour la première fois, Sochoeunn reçoit l’appui de ses camarades qui ne jugent ni ses origines ni sa condition sociale.
Extrait de L’abnégation de ma Cambodgienne
Mais le milieu dans lequel l’expérience me montre que l’on m’accepte le plus sans faire de différence est celui du sport. Là, on me considère comme n’importe quel autre athlète.
Extrait d’Une vie avec les ouvriers du Cambodge
MEY, Christian, L’abnégation de ma Cambodgienne, Y.I.L., Plonenez-Porzay : juillet 2020, 54 pages, 16 €, 978-2-37416-465-6
J’ai contribué bien modestement au tournage de ce film documentaire d’une grande valeur. Happy Âphivoat traite du développement économique du Cambodge ses dernières années. Celui-ci est pour une grande part l’œuvre des ouvriers, qui sont mis en valeur par le réalisateur Romain Kosellek.
La finalisation d’un manuscrit oblige à faire des choix parfois douloureux comme supprimer des paragraphes. Je vous propose donc ci-dessous un quatrième passage rejeté.
Sur scène en direct à la télévision
Le royaume du Cambodge n’est pas pourvu d’une loi interdisant le harcèlement moral. La notion n’existe pas et les victimes ont donc beaucoup de mal à exprimer, ne serait-ce que pour elles-mêmes, ce qu’elles subissent. Cependant ce n’est pas parce que l’on vient d’un pays qui condamne cette pratique que l’on peut s’en prémunir. Dans un environnement néfaste, n’importe quelle personne droite peut faire l’expérience de Jésus qui fit le bien mais récolta le mal. C’est ce qui m’est arrivé au sein de la troupe comique d’une chaîne de télévision. Les harceleurs choisissent systématiquement comme victimes des personnes plus douées ou plus vertueuses qu’eux. Une bonne action révèle de façon mécanique les mauvaises par contraste. Sous l’effet de ce révélateur, les bourreaux préfèrent écraser leur bon souffre-douleur plutôt que de supprimer le mauvais en eux. « En effet, tout homme qui fait le mal déteste la lumière : il ne vient pas à la lumière, de peur que ses œuvres ne lui soient reprochées. » (Jean 3, 20).
Le pape François demande aux catholiques du monde entier de prendre du recul pour réfléchir à leur façon de faire Église. Comment la rendre plus fidèle à sa vocation de montrer à chaque humain que sa vie compte, qu’elle a un grand prix aux yeux de Dieu, qu’il lui confère une dignité indéfectible sans borne ? Il s’agit d’un travail d’introspection collective à la lumière de l’Évangile. De manière formelle, je ne suis pas investi dans le processus synodal. Voici néanmoins ma modeste contribution.
Nuit devant une usine menacée de fermeture
L’espérance d’Israël est de voir tous les hommes de la terre finalement réunis par Dieu : « Dans l’avenir, il adviendra que le mont sur lequel est le temple de l’Eternel sera fermement établi au-dessus des montagnes, et il s’élèvera par-dessus toutes les hauteurs, et les peuples y afflueront. » (Michée 4, 1). Selon l’étymologie de son nom, le diable, lui, divise. La concrétisation de cette espérance a connu une étape décisive avec la naissance de la nouvelle Israël, c’est à dire l’Église, un peuple de croyants rassemblés par la foi et non par la même appartenance ethnique. Il me semble donc que pour répondre à leur vocation, les chrétiens sont appelés par le Christ à rechercher l’inclusion.
Pour rejoindre chaque humain, l’Eglise doit ainsi toujours être « en sortie », selon l’expression propre à notre bon pape, pour parler de la Mission. Nous ne devons pas créer de ghettos mais entrer dans les ghettos. Nous ne devons pas nous détacher de l’ensemble de l’humanité, nous en désolidariser, ni même, nous en distinguer à l’exclusion de notre choix radical de l’Évangile : « Vous n’êtes pas du monde mais je vous ai choisis du milieu du monde. » (Jean 15, 19). Dans le même sens, il me semble que nous, membres du peuple de Dieu, devrions nous délester de notre superflu, de ces règles non écrites que nous nous imposons, de ces manières d’être dictées par des normes mondaines. Nous devrions probablement nous défaire de notre surplus de décorum religieux, de style religieux, de paraître, de soucis de l’image, de ce qui nous fait être bien vus de nos frères : « Quand tu pries, entre dans ta chambre, ferme ta porte. » (Matthieu 6, 6).
Les chrétiens ont des origines ethniques, sociales, culturelles variées et c’est heureux. En tant que sel de la terre et lumière du monde (Cf. Matthieu 5, 13), ils sont appelés à transformer terre et monde de l’intérieur, avec leurs frères en humanité. Ils doivent contribuer à rendre leurs cultures plus humaines. C’est ce que l’on peut appeler l’évangélisation. En revanche, ils sont dans l’erreur, d’après moi, lorsqu’ils cherchent à créer une culture chrétienne qui finalement les sépare des autres. En ce sens, la pertinence des styles musicaux religieux, du style vestimentaire religieux, du style iconographique religieux, ne me saute pas aux yeux. Souvent, les fidèles catholiques se sentent mal à l’aise avec le sacré. Cela se ressent singulièrement quand ils pénètrent dans une église ou quand ils s’approchent du cœur. Ce rapport peu assuré au sacré ne manifeste nullement la miséricorde de Dieu. Qu’est-ce que Dieu a consacré sinon la vie ?
Charles de Foucauld, Madeleine Dêlbrel, l’abbé Pierre, Gui Gilbert et d’autres sont d’authentiques prêtres ou laïques catholiques qui ont choisi de vivre radicalement l’Evangile non pas dans des lieux d’Eglise mais à proximité de ceux vers lesquels ils se sentaient envoyés. Ils n’ont pas converti grand monde et pourtant il me semble qu’ils étaient de parfaits missionnaires puisqu’ils ont rendu le monde autour d’eux plus humain. Je fais la prière qu’à l’image de leurs ministères, le synode sur la synodalité permette à notre Église de devenir plus simple, plus humble, plus proche des réalités de la terre que Dieu lui-même a fait le choix de rejoindre sans tricher en la personne de Jésus Christ.
Pour donner une idée de ce à quoi ressemble ma cité, dès 2009, j’ai réalisé une courte vidéo.
Visite guidée
Pourtant cette cité bâtie de plain-pied d’a minima quatre mille personnes dispose d’un gardien à chacune des trois portes qui donnent sur la rue. Deux autres offrent un accès direct à des usines d’habillement. Et enfin, les deux dernières portes ouvrent directement sur le marché. Le propriétaire n’est autre que celui de l’usine de métallurgie de transformation adjacente mais pour y résider, nul besoin d’être membre de son personnel. Cependant ce dernier assura lui-même la construction des studios grâce aux matériaux produits en interne : poutres métalliques, tôle, portes, volets, grilles, escaliers.
La finalisation d’un manuscrit oblige à faire des choix parfois douloureux comme supprimer des paragraphes. Je vous propose donc ci-dessous un troisième passage rejeté.
Mariage de Héan
Le lendemain, un dimanche il me fallait une connexion à internet pour suivre le marathon de Paris dans lequel deux de mes partenaires sportifs cambodgiens étaient engagés en vue de se qualifier pour les jeux olympiques. Mais même dans le chef-lieu de province tout était fermé… Et pour la messe c’était trop tard. Enfin le père Gérald m’a emmené avec un groupe de jeunes au « nouveau village », c’est son nom, pour fêter la nouvelle année dans une paroisse. Nous jouâmes aux jeux populaires du nouvel an. Heureusement que l’Eglise est là pour sauvegarder les traditions qui se perdent ! Nous avons fini en dansant puis on nous déposa au village de Koh Roka (île du coq) car le lendemain une amie ouvrière s’y mariait.
Elle m’avait invité à la cérémonie dans son village natal. En 2002 le père de Héan est parti en la laissant avec sa mère, sa sœur en bas-âge et les dettes du foyer. Puisqu’elle avait presque l’âge de travailler elle partit à l’usine, à Phnum Pénh. C’étaient des noces de pauvre : approximativement 1100 €. Mais c’était un mariage d’amour, c’est beau. Et surtout Héan est une battante, une femme consciente de sa valeur. Elle était responsable de son équipe de Jeunesse Ouvrière Chrétienne.
Jusqu’au mois de mai c’est en effet la saison des cérémonies nuptiales. Elles se déroulent traditionnellement chez les parents de la mariée. Ma voisine Rann m’a convié à ses noces. Sa famille m’a demandé de faire le service ! C’était pour moi une première. Ce geste signifiait, que l’on me considérait vraiment comme un ami très proche de la famille. Durant toute la journée, Rann n’eut cesse de multiplier les contacts éphémères avec moi comme pour se rassurer : cette jeune femme aimait bien sa vie de célibataire, autonome, avec ses copines. Elle aurait volontiers attendu deux ou trois ans avant de se marier… Mais après son mariage elle ne put (voulut ?) vivre avec son mari qui travaillait pourtant également à Phnum Pénh car ils ne gagnaient pas assez pour se permettre des trajets quotidiens à moto pour aller à l’usine ! Il leur fallut quelques mois pour avoir enfin le bonheur de vivre ensemble dans le même studio… avec six autres colocataires.
Comment connaître le bonheur dans ces conditions de vie ? Pour les chrétiens, être heureux peut se résumer à faire sienne, petit à petit, la volonté de Dieu. Cette volonté qui veut notre bonheur nous la découvrons au cœur de notre vie, au cœur de ce que Madeleine Delbrêl, qui il y a plusieurs décennies, fit le choix de vivre au milieu des ouvriers dans une banlieue parisienne au nom de sa foi dans le Christ, appelait le « lieu de notre sainteté », c’est-à-dire avec les travailleurs si l’on vit au milieu d’eux. Ce bonheur de donner sa vie qui est offert à tout le monde n’empêche pas les difficultés du quotidien, ou même le malheur. Mais il permet de le surmonter dans une relative sérénité, dans la foi. Et faire confiance au Seigneur est aussi un choix. Quand le croyant quitte tout pour vivre dans la pauvreté évangélique c’est bien pour Lui ! Or Il ne peut laisser tomber celui qui se livre à Lui. Et si on a l’impression de manquer de quelque chose, alors c’est que l’on a encore des choses à apprendre. Car Dieu prodigue à ses enfants ce dont ils ont besoin.
Comme l’indique le vocable « cosaan » dans le titre de ce livre, celui-ci relate certaines pratiques rituelles traditionnelles concernant la maternité humaine. Dès que la conception est constatée, la femme enceinte est soumise à de rigoureuses prescriptions d’ordre mystique, alimentaire et hygiénique. Sur le plan mystique, il s’agit de port d’amulettes sécurisant la gestation contre les sortilèges, d’éviter les sorties nocturnes, ou à la méridienne, et en solitaire. Sur le plan alimentaire, il lui était interdit entre autres, la consommation des fruits de rôniers. Ce rite aurait une vertu protectrice contre les avortements, fausses couches, etc. Durant la première huitaine de la phase post-accouchement, l’enfant et sa mère font objet de soins de sauvegarde rapprochée : claustration dans un cadre sécurisé par un dispositif censé pouvoir neutraliser toutes sortes de maléfices, nutrition appropriée pour restaurer la santé de l’accouchée et activer la sécrétion du lait maternel, suivi thérapeutique assuré par une matrone de confiance. Dans le cadre des relevailles du huitième jour, le prénom donné à l’enfant est proclamé, selon les variantes provinciales, par une de ses tantes paternelles ou par le griot. Ce prénom est suivi du ka?, le nom de famille paternel. Par leka?, l’enfant est intégré à un patriclan; dont il hérite de vertus, d’une devise,et du droit à une terre. Les derniers chapitres évoquent l’investigation en cas de perte infantile ou néo-natale et le principe de la réincarnation. En vue de faciliter la lisibilité des rites, on a procédé, en conclusion de certaines descriptions, au décryptage du symbolisme des nombres et des objets usuels.
DEFOND, Yann. Un chrétien au Cambodge. Médiaspaul. Paris : mai 2022, 168 pages, broché, format 13 x 20 x 1 cm, 209 g, 15 € (Cambodge 40.000 ៛), EAN13 9782712216146, ISBN 978-2-7122-1614-6
Qu’est-ce qui peut bien pousser un jeune français à s’exiler définitivement au Royaume du Cambodge et à s’installer dans une cité ouvrière de la périphérie de Phnom Penh ? Pour Yann Defond, c’est à la fois le choix des pauvres et l’éblouissement ressenti face à la culture cambodgienne lors d’un premier séjour effectué au titre de la coopération française. De cette expérience inédite, l’auteur nous livre un double témoignage. D’abord celui d’une foi chevillée au corps, nourrie à l’aulne de la J.O.C. (Jeunesse Ouvrière Chrétienne), qui se traduit par la proximité avec les petits mais aussi par un fort engagement pour partager cette expérience du salut comme une promesse de libération qui vient toucher toutes les strates de la société. C’est également un témoignage amoureux mais sans complaisance de la société dans laquelle il a choisi de vivre au point d’y consacrer sa vie. L’auteur interroge l’enfermement dans lequel la mentalité collective maintient les individus et son corollaire, une peur permanente de mal faire, de ne pas correspondre à ce qu’on attend de nous. Subtilement, il nous en dévoile les incohérences mais aussi les transformations timides dues à la mondialisation. Ce livre vient illustrer une manière peu connue d’être un chrétien en mission : porter l’expérience de sa propre libération auprès de personnes qui n‘en connaissent encore ni le goût ni la saveur en partageant leur vie quotidienne.
Yann Defond vit à Phnom Penh depuis 15 ans. Marqué par la spiritualité de l’action catholique, il a choisi de partager la vie de la population ouvrière de l’habillement au Cambodge. De formation artistique, il exerce des activités de comédien, journaliste et interprète.
Le livre de Yann DEFOND, Un chrétien au Cambodge, sortira au Cambodge le 20 mai prochain. Au long de ses 168 pages, l’auteur analyse par le concret ce qu’il perçoit de la mentalité khmère. Ce français quadragénaire vit depuis une quinzaine d’années dans un parc industriel de la périphérie de la capitale. Il a fait le choix de partager le quotidien des travailleurs de la cité qu’il habite en solidarité avec eux. Complètement intégré à la société cambodgienne, ce fils d’ouvrier ne travaille plus à l’usine mais comme journaliste, comédien et interprète.
Yann vit en immersion au milieu des petites gens khmers. Il nous brosse ici un portrait de ce qu’il a vécu auprès des de ouvriers du textile. Les anecdotes qu’il nous conte illustrent les propos qu’il tient sur la façon de vivre de ces gens là. Ce livre constitue aussi un témoignage qui ne verse jamais dans le prosélytisme, sur la façon qu’un jeune homme choisit de vivre pleinement sa foi. Un témoignage doublement humain et donc doublement intéressant. Lepetitjournal a rencontré Yann DEFOND, voici la retranscription de notre entretien :
[…] YD : Il est en vente au prix de 40.000 ៛ à la librairie Carnet d’Asie de la rue 184 à l’institut français de Phnom Penh. Il est également possible de le commander en passant par mon blog http://defondyann.com. Il peut être dédicacé et livré dans n’importe quelle ville du royaume.