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Les voisins

Les voisins (9)

Il existait un parc. C’était l’unique lieu de détente en plein-air pour les ouvriers du quartier. Il était situé derrière les usines du parc industriel Canadia. Le dimanche en particulier c’était l’occasion de partager du temps différemment entre voisins. Pour une somme modique on pouvait changer d’air. Les loisirs sont si rares.

Sortie
Sortie

Quelque soit la latitude, dans les milieux populaires, on se contente souvent de choses peu sophistiquées. Un dimanche Sophéap et ses voisines m’annoncèrent avec fierté que ce jour-là le grand frère d’une d’entre elles les emmenait se promener. Quand nous nous sommes revus le lendemain elles étaient euphoriques : « Yann ! hier mon grand frère nous a emmenées au marché de Tuol Tompoung et au marché de Dæm Ko ​(kapokier). Ça restera une journée inoubliable ! » Elles n’avaient rien acheté. Elles étaient simplement folles de joie d’avoir vu la ville et donc d’avoir pu sortir de notre parc industriel. Ça montre bien qu’à l’intérieur beaucoup vivent comme dans une prison. D’ailleurs nous sommes surveillés par la police. Une fois mon oreille discrète entendit : « Il a de la chance d’avoir une moto. Il peut aller où il veut… »

Extrait du livre

Par Yann D

Le choix de Yann DEFOND pour la vie en tant que fils d’ouvrier et chrétien est de partager l’existence des travailleurs qui habitent le plus grand quartier ouvrier du Cambodge en solidarité. Il a d’ailleurs lui-même travaillé en usine, dans l’industrie graphique, en France, son pays natal.
Son témoignage en cours d'écriture relate donc ce qu’il peut observer auprès des jeunes femmes qui cousent jour après jour bon nombre des vêtements que portent les européens. Quelques réflexions et autres notices autobiographiques agrémentent ce texte dans lequel il évite humblement d’employer le pronom personnel sujet de la première personne du singulier pour parler de lui.

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