Il existait un parc. C’était l’unique lieu de détente en plein-air pour les ouvriers du quartier. Il était situé derrière les usines du parc industriel Canadia. Le dimanche en particulier c’était l’occasion de partager du temps différemment entre voisins. Pour une somme modique on pouvait changer d’air. Les loisirs sont si rares.
Quelque soit la latitude, dans les milieux populaires, on se contente souvent de choses peu sophistiquées. Un dimanche Sophéap et ses voisines m’annoncèrent avec fierté que ce jour-là le grand frère d’une d’entre elles les emmenait se promener. Quand nous nous sommes revus le lendemain elles étaient euphoriques : « Yann ! hier mon grand frère nous a emmenées au marché de Tuol Tompoung et au marché de Dæm Ko (kapokier). Ça restera une journée inoubliable ! » Elles n’avaient rien acheté. Elles étaient simplement folles de joie d’avoir vu la ville et donc d’avoir pu sortir de notre parc industriel. Ça montre bien qu’à l’intérieur beaucoup vivent comme dans une prison. D’ailleurs nous sommes surveillés par la police. Une fois mon oreille discrète entendit : « Il a de la chance d’avoir une moto. Il peut aller où il veut… »
Extrait du livre