L’auteur que j’avais espéré recruter ne se voyait donc pas revenir au Cambodge pour écrire. Cependant il m’a encouragé à écrire moi-même. Sur le coup je me suis dit qu’il fallait abandonner cette idée de livre. C’était en 2010.
Un matin quel ne fut pas mon étonnement de voir une de mes voisines, Eang, rentrer avant 11 heures, l’heure habituelle de la pause déjeuner. « Demain je retourne dans mon district [chez mes parents]. » Elle n’était pas embauchée en CDI mais comme tous les matins elle était partie avec quelques unes de ses co-locatrices pour l’embauche à 7 heures. Elle n’a pas voulu me dire ce qui s’était passé. Pourtant son visage fermé indiquait clairement une remontrance de trop ou pire. Quand on s’indigne de la situation des ouvriers du textile dans les pays du sud on pense que c’est à cause du système, bref que personne n’est responsable. Pourtant les inconduites personnelles rendent encore plus insupportable la vie de ces jeunes femmes. On ne leur a souvent jamais dit que leur vie avait de l’importance, de la valeur, du prix et on va parfois même jusqu’à leur dénier toute dignité. Mais pour en revenir à ce cas précis, il a bien fallu qu’Eang revienne pour travailler… Sa famille avait besoin de son salaire.
Extrait du livre