Tous les ans, deux fêtes se côtoient le même jour : Noël et la Nativité. Et si ce temps de l’Avent qui commence nous permettait de nous préparer adéquatement à l’évènement célébré le 25 décembre ?
Dans le calendrier liturgique, la fête de la Nativité du Seigneur correspond à la solennité de la naissance du Christ, c’est-à-dire du Messie annoncé par les écritures. On peut tout à fait y voir une fête de l’incarnation, soit la fête de Dieu qui, par amour pour les êtres qu’il a créé, va jusqu’à épouser leur condition : « Dieu s’est fait homme pour que l’homme se fasse Dieu » (saint Irénée de Lyon). « Il s’est anéanti en devenant un homme sur la terre » (Philippins 2, 7). Nos chemins deviennent les chemins de Dieu (cf Isaïe 55) qui vient vivre à nos côtés.
De manière très progressive, la fête de Noël a dérivé de la fête de la Nativité en perdant son sens religieux. Il s’agit de la fête populaire des familles, des enfants. Les bougons ajouteront que c’est la fête commerciale des cadeaux mais tout n’est pas à jeter.
En langue khmère, il existe également deux mots distincts : បុណ្យគ្រីស្មាស (Christmas, pour la fête populaire) et បុណ្យព្រះយេស៊ូប្រសូត (Nativité de Jésus, pour la fête religieuse). Le terme បុណ្យណូអែល (Noël), plus neutre, porte les deux connotations.
Ces deux fêtes ayant un sens différent, il est regrettable qu’elles tombent le même jour. Evidemment, Noël trouve son origine dans la Nativité. Il est donc tristement normal que la simultanéité demeure dans le calendrier. Ainsi la confusion est renforcée. Et l’auguste sens de la fête de la Nativité du Seigneur se voit dégradé. Célébrer, à l’image du bienheureux père Antoine Chevrier de Lyon, la naissance révolutionnaire d’un enfant qui vient rejoindre tous les pauvres dans leur vie concrète et donne un sens nouveau à la vie humaine n’est plus une évidence.
Naturellement, le mot noël est une déformation du mot latin natalis qui a lui-même donné nativité. Vouloir dissocier les deux termes est donc hardi. Par cette distinction sémantique, ma réflexion pour ce temps de l’Avent est une humble invitation à distinguer les deux fêtes de manière à retrouver le véritable sens de la fête originelle du 25 décembre. Loin de moi l’idée de vouloir fustiger le sens tout à fait honorable de la fête populaire de Noël même si l’on peut regretter sa coïncidence calendaire avec la Nativité. Le père Noël a débarrassé cette dernière de son sens religieux dans une volonté bienveillante d’élargissement alors que le message de la Nativité est justement universel, il s’adresse à toute l’humanité. Le Seigneur Dieu rejoint tout homme et toute femme en naissance dans le monde, nourrisson fragile accueilli dans l’amour par un couple rejeté.