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Le livre (12)

La confrontation à une autre culture interpelle. Elle fait se poser des questions nouvelles autant sur sa propre culture que sur celle de l’autre. C’est ce qui m’a incité à écrire dès 2009. Mon intention était de partager mes découvertes, d’initier un dialogue. La richesse des différences culturelles parlent de l’être humain. Les observer est passionnant. Mon intuition est, qu’au-delà de ma croyance en un Père créateur, tous les hommes ont une origine commune. Entre 1999 et 2018 j’ai voyagé dans de nombreux pays en privilégiant le contact direct avec les gens auxquels j’allais rendre visite. En fait j’étais à la recherche de ce qui unit les êtres humains, à la recherche du caractère universel qui se cache en fin de compte en chaque culture. C’est ce qui permet aux chrétiens d’affirmer que le Christ est l’homme universel alors que Jésus était l’homme d’une époque, d’une ethnie, d’une religion. Pour être homme il faut s’insérer dans un peuple, je n’ose pas dire s’incarner. Les missionnaires parlent de renaître dans un peuple, de redevenir enfant. En tant que chrétien j’ai été touché par le choix de vie de certains de mes aînés dans la foi comme Charles de FOUCAULD ou Madeleine DELBRÊL. Il nous rappellent que la radicalité de la vie selon l’Evangile n’est pas réservée à une élite de croyants. En écrivant je voudrais partager comment cette Mission, la vie en chrétien au milieu des ouvriers de Phnom Penh au Cambodge, me convertit.

Mom tente de lire

Les fantômes ne se vengent pas de ceux qui n’ont pas peur d’eux mais les gens de pouvoir si. Ainsi, sans renier pour autant son sauveur, il faut parfois savoir être prudent, discret. Il faut savoir évaluer les risques. Il s’agit d’une contrainte de chaque instant qui pèse sur le comportement. Tout ne peut pas être exprimé publiquement et notamment par le moyen de l’écriture.

Extrait du livre
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Le livre (11)

Il restait encore beaucoup de travail d’écriture, d’harmonisation. Il fallait ajouter des transitions. Le texte a donc de nouveau beaucoup évolué. Enfin, en 2018, il fut prêt pour la phase de relecture puis de recherche d’un éditeur. En 2020, les corrections d’un directeur éditorial permirent d’améliorer encore le manuscrit.

Photographie interdite

Un dimanche de novembre 2011 eut lieu une rencontre de jeunes travailleurs. A la fin ils se dirent qu’il fallait prendre une photo. Nous sommes sortis juste devant mon studio pour la prendre à l’extérieur puisque la lumière y est meilleure. Mais juste après, un agent de police payé par le patron de l’usine propriétaire de la cité vint me demander : « Disposes-tu de l’autorisation de prendre des photos ? As-tu l’autorisation de réunir des gens chez toi ? »

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Le livre (10)

Il y avait donc un plan simple mais il n’était marqué par aucune division dans le texte. Asie mission le publia en dégageant des chapitres. De fait, l’organisation en trois parties, voir, juger et agir, était artificielle. Elle ne faisait pas réellement sens car certains passages intégraient en eux-mêmes ces trois éléments. J’ai donc chamboulé une seconde fois mon manuscrit en opérant des regroupements par thèmes. Certains reprenaient d’ailleurs le découpage d’Asie mission.

Le studio grain de sel

Concrètement dans ma cité ouvrière cela signifie passer du temps ensemble. Cette gratuité est importante, être attentif aux autres, suivre les évolutions de chacun, écouter, encourager, valoriser, soulager ; bref, partager les joies et les tristesses, relire ces relations et les porter dans la prière, les offrir à Dieu n’est pas un métier, travailler à son compte comme artiste n’a rien à voir. Il s’agit plutôt d’une vie, car l’enjeu est plus de l’ordre de l’être que du faire. Chaque personne est unique et ma proximité avec les autres habitants du parc industriel varie en fonction de chacun. Beaucoup m’invitent dans leur village d’origine pour des mariages ou fêtes diverses, pour des célébrations bouddhiques. Inversement ce sont parfois les familles de la campagne qui viennent visiter les citadins, alors nous échangeons des nouvelles. Des amitiés réciproques naissent. Le lien se construit notamment en montrant à l’autre qu’il a du prix, qu’il est important, alors que tout autour de lui, à l’usine, dans la ville, porte à penser le contraire. Lui montrer très concrètement qu’il compte est sans doute le principal dans cette option radicale des chrétiens qui vivent parmi les petits. Celui qui croit en sa dignité gagne en assurance en lui, prend sa vie en main, se met debout, devient responsable, s’épanouit, se libère. Se consacrer à cette tâche est fort exigeant car oblige à prendre en compte ses voisins dans chaque geste, bien au-delà du seul relationnel : propreté et occupation de l’espace autour de chez soi, activité et bruit en fonction des horaires de chacun, etc. Et puis cela oblige également à faire preuve d’indulgence envers ceux qui ne font pas ce choix car on s’écarte soi-même parfois de sa propre règle. En somme mes voisins œuvrent à ma conversion. Mon habitude était de balayer mon studio de l’arrière vers l’avant jusqu’à ce que Sophéap me fasse remarquer qu’à cause du vent la poussière se retrouvait chez les autres. Ce jour-là elle me fit comprendre que dans l’intérêt de tous il valait mieux passer le balai en commençant par l’avant, puisque derrière nos habitations une rigole est disposée à accueillir les balayures. Il en va ainsi du témoignage en actes. Il est l’adoption d’une façon de penser, d’une façon d’être évangélisées.

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Le livre (9)

Finalement le manuscrit a donc pris forme avec trois éléments : des faits et événements, des réflexions et analyses, des notices autobiographiques. Tout était écrit sans division en chapitres. Un plan en trois parties se détachait de façon peu distincte : voir, juger, agir. En 2014 ce texte sans titre intéressa le site internet, désormais disparu, Asie Mission.

Studio ouvrier

Un dimanche d’octobre, Samnang qui, en attendant de trouver du travail, était hébergé chez moi quelques jours, m’a rappelé que c’était la semaine missionnaire mondiale par ce qu’il allait me proposer ! Il avait organisé une rencontre amicale avec des fruits à partager dans le seul but qu’un groupe de filles de sa commune et moi fissions mieux connaissance. Par son intermédiaire nous nous connaissions déjà un tout petit peu puisqu’elles vivaient aussi dans la cité.

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Le livre (8)

Ces notices autobiographiques modifiaient tout car, même s’il s’agissait de mon regard, mon histoire personnelle n’était pas une composante du texte. Alors j’ai finalement trouvé une solution. Je me suis interdit d’utiliser les pronoms de la première personne du singulier pour moi. Cependant cela m’obligeait à choisir des tournures alambiquées. Je me suis donc fixé pour règle de simplement éviter le « je » pour moi-même.

En rentrant de la station de radio après mon émission hebdomadaire (2010 – 2013) une nuit à 23 heures passées, le bruyant moteur de mon deux-roues japonais réveilla des ouvriers du bâtiment qui dormaient sur leur chantier, dans notre cité à même le sol sans couverture ni moustiquaire. Comment être aussi pauvre tout en ayant un emploi ? Le lendemain matin à l’heure du petit-déjeuner ils étaient déjà à l’œuvre. Plus tard au déjeuner ils me dirent : « Les moustiques nous dévorent la nuit. » Mais malgré la proposition faite aucun n’osa dormir chez moi… Le décalage est trop grand. La pauvreté évangélique ne m’habite pas encore assez pour que tous les pauvres se sentent à l’aise en ma présence. Ils osent moins venir chez moi que m’inviter chez eux.

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Le livre (7)

Pour organiser le manuscrit, j’ai classé les paragraphes selon un plan « voir, juger, agir ». La personne qui m’accompagnait dans l’écriture m’a alors suggéré d’ajouter des notices biographiques de façon à ce que les lecteurs comprennent mieux mon point de vue. J’étais bien embêté car cela modifiait l’orientation de départ du texte…

Cette photo pourrait être celle de la couverture

Un après-midi de début 2005 un des apprentis d’un foyer de Caritas avec lesquels nous lancions la révision de vie (méthode de réflexion sur sa vie autour d’un texte d’évangile) vint me voir là où on m’employait comme coopérant : au Centre Culturel Catholique Cambodgien. Il voulait me dire au revoir avant de partir travailler chez le voisin siamois avec un visa touristique de trois mois… Il a bien fait puisqu’il est reparti avec un nouveau testament de poche.
Très vite après le terme de son voyage sa mère n’eut plus de nouvelles. Une demi-année plus tard, comme on dit en Khmer, il refit surface à Phnom Penh. Mais il était devenu difficile d’avoir une conversation avec lui… Et mon temps était venu, il me fallait retourner en France. A mon retour près de quatre ans après, sa mère me mena dans un centre de désintoxication où il séjournait depuis plusieurs années sans véritable suivi semblait-il. Le fait qu’un gardien ferme à clé le bâtiment où il faisait la sieste avec ses camarades, le barbelé tout en haut les murs d’enceinte, faisait plus penser à une prison qu’à un centre de désintoxication.

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Le livre (6)

J’ai donc commencé à collecter des textes éparses écrits à différents interlocuteurs. J’ai aussi, bien entendu, continué à écrire en développant ainsi le corpus. Au bout d’un ou deux an un manuscrit prenait forme. Cependant, il était composé de paragraphes disparates sans lien entre eux.

Pause déjeuner
Pause déjeuner
Pause déjeuner

Vivre dans une cité ouvrière d’Asie du sud-est c’est entendre les pas des ouvrières sur la dalle de béton devant chez soi à heures fixes. L’arrière de leurs tongs s’use très vite car elles marchent sans les faire claquer sur le talon. Habiter ici c’est vivre au rythme des usines d’habillement même sans jamais y mettre les pieds. Cet inconvénient, qui fait une grande différence, induit la nécessité de se laisser adopter.

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Le livre (5)

La préface du livre est signée du Père François PONCHAUD, prêtre franco-cambodgien des Missions Etrangères, auteur de nombreux ouvrages sur le Cambodge dont Cambodge année zéro. Julliard. 1977.

Il pourrait ressembler à ça

Que faire pour la transformation spirituelle, ou la transformation tout court, du Cambodge, quand on n’est ni prêtre, ni religieux, mais simplement travailleur chrétien ? Yann Defond nous aide profondément à envisager le Christ pauvre, méprisé, vivant au milieu des travailleurs et des travailleuses cambodgiennes. Il invite toute personne à devenir un être digne, libre, fils et fille de Dieu. Yann ne prêche pas, mais vit avec, employé lui-même dans divers métiers, mais en symbiose avec ceux qui l’embauchent ou ceux qu’il embauche.    Depuis que je l’ai reçu au Cambodge, en 2003, l’auteur de ce livre a beaucoup analysé la société et la mentalité khmères, et a découvert une partie de ce qui l’enferme : la domination du pouvoir quel qu’il soit, la peur, la soumission aux traditions, aux Anciens, au qu’en-dira-t-on, au mensonge, à la corruption, à la censure… Dans cette société fondamentalement injuste, les forts, les puissants ont toujours raison, les pauvres ont toujours tort. Yann nous rappelle que nous ne sommes pas au service des gens de pouvoir, mais bien de la dignité des hommes et des femmes que nous sommes. C’est une libération encore plus intime et plus profonde que celles de la répression des décennies précédentes, car elle touche le coeur des êtres. Rien dans la formation intellectuelle ou spirituelle passée n’a préparé une telle révolution des esprits et des coeurs.

La lecture de cette ouvrage est rafraîchissante : elle nous aide à voir avec un autre regard ce monde des cités, cette exploitation des pauvres sans recours. Yann aurait pu crier, élever la voix contre tel ou tel dirigeant d’usine, ou dirigeant politique, mais il as préféré une analyse froide, non dépourvue de critiques cinglantes contre les autorités, et contre les pays qui profitent de l’exploitation des pauvres et des injustices sur le plan international.

Yann rejoint par ce livre cette immense aspiration à la justice poussée par le monde des pauvres. Un peu partout, à travers le monde, les libérateurs ont imposé une indépendance politique, le plus souvent au profit d’un petit nombre de gens placés aux postes de commande. La révolution mondiale aura lieu quand tout le monde sentira que le fruit du travail est pour tous et que nous sommes au service des uns des autres.

On se sent honteux de vivre en dehors de la société des pauvres. La Bonne nouvelle n’a jamais été une idéologie, mais avant tout une expérience vécue et une conviction intérieure qui transforme le monde. Yann nous détache de toute forme d’adhésion au Christ éthéré, et nous tourne vers un Christ vivant, humble, travaillant et souffrant, loin de cette Eglise parfois si lointaine… « Le Christ est venu vivre au milieu de nous pour nous montrer de façon radicale l’amour de Dieu pour les petits. »

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Le livre (4)

Mais l’auteur contacté m’a dit :  » C’est à toi d’écrire ce livre, tu peux le faire.  » Après avoir pensé que je n’y parviendrais pas, sur son conseil, j’ai commencé à regrouper des réflexions et prières écrites dès 2009.

Le 4ème de couverture pourrait ressembler à cela.

Yann DEFOND vit depuis 2009 dans la plus grande cité ouvrière du Royaume du Cambodge située dans un parc industriel de la périphérie de la capitale Phnom Penh. Son choix pour la vie en tant que fils d’ouvrier et chrétien est de partager l’existence des travailleurs qui habitent ce quartier en solidarité. Il a d’ailleurs lui-même été ouvrier dans l’industrie graphique en France, son pays natal. Ce témoignage relate donc ce qu’il peut observer auprès des jeunes femmes qui cousent jour après jour bon nombre des vêtements que portent les européens. Quelques réflexions et autres notices autobiographiques agrémentent ce texte dans lequel il évite d’employer le pronom personnel sujet de la première personne du singulier pour parler de lui.

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Le livre (3)

L’auteur que j’avais espéré recruter ne se voyait donc pas revenir au Cambodge pour écrire. Cependant il m’a encouragé à écrire moi-même. Sur le coup je me suis dit qu’il fallait abandonner cette idée de livre. C’était en 2010.

Il pourrait ressembler à cela

Un matin quel ne fut pas mon étonnement de voir une de mes voisines, Eang, rentrer avant 11 heures, l’heure habituelle de la pause déjeuner. « Demain je retourne dans mon district [chez mes parents]. » Elle n’était pas embauchée en CDI mais comme tous les matins elle était partie avec quelques unes de ses co-locatrices pour l’embauche à 7 heures. Elle n’a pas voulu me dire ce qui s’était passé. Pourtant son visage fermé indiquait clairement une remontrance de trop ou pire. Quand on s’indigne de la situation des ouvriers du textile dans les pays du sud on pense que c’est à cause du système, bref que personne n’est  responsable. Pourtant les inconduites personnelles rendent encore plus insupportable la vie de ces jeunes femmes. On ne leur a souvent jamais dit que leur vie avait de l’importance, de la valeur, du prix et on va parfois même jusqu’à leur dénier toute dignité. Mais pour en revenir à ce cas précis, il a bien fallu qu’Eang revienne pour travailler… Sa famille avait besoin de son salaire.

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Le livre (2)

L’idée de départ était de trouver un auteur pour recueillir le témoignage des membres de la Jeunesse Ouvrière Chrétienne de Phnom Penh. Ils travaillent presque tous à l’usine, en particulier dans le secteur de l’habillement.

Couverture

En revenant à Phnom Penh en 2009 après 4 ans d’absence, il était tentant de croire qu’après avoir pris une année pour voir, observer, écouter, nous allions pouvoir faire démarrer ou redémarrer des équipes de relecture de vie de jeunes travailleurs avec quelques intéressés comme à l’époque de ma coopération dès fin 2003. Cette démarche vécue lors de rencontres régulières permet de mieux saisir l’importance, la valeur de sa vie, de la vivre plus intensément, en en savourant chaque instant, en y étant toujours plus présent. Ainsi ceux qui jouent le jeu prennent plus de responsabilités dans leur vie, en deviennent acteurs.    Mais au bout de quelques mois il a fallu se résoudre au fait que cela était plus mon projet que le leur. Cette expérience incite à plus écouter la volonté supérieure, la volonté intérieure. C’est par elle qu’arrive le succès parce qu’elle veut le bien de tous.

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Le livre (1)

Un livre témoignage est en préparation.

Il pourrait ressembler à cela.

Yann DEFOND vit depuis 2009 dans la plus grande cité ouvrière du Royaume du Cambodge située dans un parc industriel de la périphérie de la capitale Phnom Penh. Son choix pour la vie en tant que fils d’ouvrier et chrétien est de partager l’existence des travailleurs qui habitent ce quartier en solidarité. Il a d’ailleurs lui-même été ouvrier dans l’industrie graphique en France, son pays natal. Ce témoignage relate donc ce qu’il peut observer auprès des jeunes femmes qui cousent jour après jour bon nombre des vêtements que portent les européens. Quelques réflexions et autres notices autobiographiques agrémentent ce texte dans lequel il évite humblement d’employer le pronom personnel sujet de la première personne du singulier pour parler de lui.

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